« La Maison brûle », et ce n’est plus une métaphore. Sept ans après son dernier rapport, le GIEC propose, sur des bases renforcées de modélisations, des projections alarmantes sur le réchauffement de la planète et sur l’imminence de conséquences climatiques de plus en plus marquées.
Le ton est d’autant plus pessimiste que le rapport acte de la survenue précoce de phénomènes aggravants et irréversibles (fonte des glaciers d’altitude, de la calotte arctique, dégel du permafrost) qui ne pourront plus être enrayés avant des centaines voire des milliers d’années.
Ce qui ne peut plus être ignoré ou faire débat²
– Les hausses de la concentration de gaz à effets de serre (GES) qui sont observées depuis 1850 sont essentiellement causées par l’activité humaine.
– Chacune des quatre dernières décennies a été à chaque fois la plus chaude sans précédent depuis 1850. La température de la surface de la planète entre 2001 et 2020 était plus élevée de 0.99° C qu’en 1850-1900 ; avec de plus fortes hausses sur les terres (1.59 °C) que dans les océans (0.88 °C).
– L’influence humaine est certainement l’un des facteurs principaux du recul mondial des glaciers depuis les années 1990 et de la fonte de la banquise Arctique entre 2010 et 2019 (environ 40% en Septembre).
– Le niveau moyen de la mer a augmenté de 1,9 mm par an entre 1971 et 2006 ; cette dilatation est désormais de 3,7 mm annuels (2006-2018).
– Depuis les mesures prises en compte par le dernier rapport (2011), les concentrations dans l’atmosphère de carbone, méthane et de protoxyde d’Azote ont continuité à croître. Celles de CO2 relevées en 2019 sont les plus élevées des derniers 2 millions d’années.
Le rythme du réchauffement climatique et ses effets induits ainsi mesurés sont sans précédents depuis au moins 2000 ans.
Cinq scénarios et projections climatiques pour la fin du siècle.
Les cinq scénarios modélisés par le GIEC croisent une large pluralité des facteurs, humains et naturels, qui influencent les évolutions climatiques. Les projections sont effectuées sur la période 2015-2100, avec pour point de comparaison la période 1850-1900.
Les deux scénarios les plus optimistes posent l’hypothèse d’une baisse très significative des émissions de CO2 à compter de 2025, pour atteindre la neutralité carbone en 2060 pour l’un et 2080 pour l’autre, puis entrer dans une ère d’émissions négatives. Le réchauffement en surface de la planète serait alors respectivement contenu à 1.9 °C et 2.6 °C.
Le scénario médian correspond à la situation actuelle : prise de conscience, mais incapacité des principaux pays émetteurs à tenir leurs engagements et objectifs. Un infléchissement progressif et continu ne serait atteint qu’à partir de 2060 et se traduirait en 2100 par une hausse de 4.5 °C par rapport à la référence 1850-1900.
Les deux projections extrêmes proposent des trajectoires d’augmentation des émissions de CO2 sans réels dispositifs ou volontés de corrections. Ils conduiraient à un réchauffement catastrophique de + 7 à 8.5 °C.
L’adaptation n’est plus une option.
Quelle que soit l’hypothèse, il faut retenir que comme indiqué en introduction, des mécanismes de très longue durée sont d’ores et déjà à l’œuvre.
Ils se traduiront inéluctablement par la libération d’importantes quantités de carbone naturellement stockées depuis des millénaires, complexifiant l’équation.
De même, les experts du GIEC insistent sur l’intensification de la fréquence et de l’amplitude de phénomènes climatiques extrêmes documentés et analysés depuis plusieurs décennies. La fréquence des évènements de fortes précipitations, de tempêtes et cyclones tropicaux, de vagues de chaleur caniculaires (jusqu’à 50°), de sécheresses et de grands incendies… devraient s’accélérer d’ici à la fin du siècle, avec des niveaux de fiabilité allant de « moyens » à « forts », selon les latitudes.
Au niveau global, ce tableau peu engageant interroge sur la capacité à pourvoir, en l’absence de mesures volontaristes et coordonnées d’adaptation, aux besoins alimentaires de la population mondiale à l’horizon de quelques décennies.
S’agissant des autorités publiques nationales et locales, ce sont les questions des politiques de peuplement et/ou de la vulnérabilité des activités humaines sur les territoires littoraux et d’altitude qui s’imposent.
En conclusion, nous invitons aussi les décideurs à s’arrêter sur le point peu commenté « C.2.6 » de ce rapport. Il porte sur le rôle des villes et d’une urbanisation accrue, qui intensifierait la sévérité des vagues de chaleur (confiance très haute) et augmenterait les précipitations en amont et/ou aval des sites, entraînant une intensité des ruissellements (confiance moyenne et haute).
Faut-il alors poursuivre les politiques de métropolisation et de densifications systématiques, qui sont la façon dont les instances européennes et internationales envisagent la visibilité et l’attractivité ? Où en revenir à une vision plus équilibrée et multipolaire de l’aménagement des territoires ?
Un renouvellement des réflexions sur les externalités économiques, environnementales, sociales et sanitaires de chacun de ces deux modèles ne serait-il pas opportun ?
Olivier ABULI, consultant conseil et analyses