C’est un nouveau message fort qu’ont délivré le 28 février les auteurs du second volet des 6ème travaux d’évaluation du GIEC consacré « aux impacts, à l’adaptation et à la vulnérabilité » : faute de réponses adaptées, près de la moitié de la population mondiale est déjà exposée à des risques climatiques majeurs dont l’occurrence va s’intensifier dans les dix prochaines années.
Tout dépassement du seuil de réchauffement planétaire au-delà de 1,5°C d’ici 2040 entraînera, même s’il n’est que temporaire, des évolutions irréversibles qui accentueront la fréquence des phénomènes extrêmes et provoqueront de lourds dommages, très probablement cumulatifs, par « cascade d’effets » (ex : sécheresse + impacts sur les récoltes + incendies de grande ampleur + mortalités induites).
Chaque 10ème de degré va compter…
En juillet 2021, le premier opus de ce rapport pointait l’atteinte précoce de points de bascule pour la fonte des glaces, le dégel du permafrost et le devenir des atolls et territoires côtiers de basse altitude.
La deuxième partie, axée sur les interactions et répercussions du stress des écosystèmes sur les activités humaines est sans appel. Dans les 15 prochaines années, chaque retard d’adaptation et chaque décile de réchauffement (°C) du Globe se traduiront par des pertes humaines, écologiques et financières qui, par rebond, diminueront d’autant nos capacités communes de transformations systémiques, les coûts induits augmentant avec les températures.
…et aucune zone géographique n’est à l’abri !
Certaines sous-régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud atteignent déjà régulièrement des seuils critiques qui se traduisent par des problématiques alimentaires, sanitaires et des déplacements de populations. Récemment, des canicules hors normes associées à des méga-feux ont touché l’Amérique du Nord et l’Australie ; des épisodes atypiques d’inondations ont endeuillé plusieurs pays européens. Sur le vieux continent, on observe aussi une fragilisation des modèles agricoles sur le pourtour méditerranéen et en Europe centrale et orientale.
Selon les experts du GIEC, il faudrait sanctuariser et veiller à la préservation de 30 à 50% des terres, eaux douces et océans de la planète pour maintenir les fragiles équilibres des éco et hydro-systèmes dont nous sommes dépendants. À date et pour un niveau de réchauffement limité à 1,5 °C, de 3 à 14% des espèces terrestres seraient confrontées à un risque majeur d’extinction.
Nos capacités d’adaptation se réduisent
L’adaptation a un rôle essentiel à jouer dans les prochaines années pour réduire notre exposition aux vulnérabilités climatiques. Mais elle est désormais soumise aux limites dures et douces atteintes par de nombreux écosystèmes. Pour tendre vers une résilience climatique efficiente, toute nouvelle mesure d’atténuation ou de correction devrait, dès aujourd’hui, s’inscrire dans le long terme et prendre en compte une complexité croissante d’interactions entre l’exploitation raisonnée des ressources naturelles et les activités humaines.
À titre d’exemple, la forte perturbation des cycles hydrologiques interroge sur les choix stratégiques d’avenir en termes de localisation, de technologies et de partage des usages entre les productions énergétiques, industrielles et agricoles. Il en va de même de l’avenir à moyen terme des bandes côtières et de leurs infrastructures portuaires menacées par l’érosion maritime dont dépendent la majeure partie des chaînes d’approvisionnement mondiales, y compris pour les denrées alimentaires.
Des enjeux globaux de bien-être et de santé publique
À ce stade, la plupart des actions réactives de « retardement » engagées, trop localisées et peu concertées, seraient susceptibles d’engendrer plus d’effets négatifs que de bénéfices : digues en dur et remblais côtiers, changements non appropriés de destination de sols, sollicitation excessive des nappes phréatiques…etc.
Fragmentées, insuffisamment réfléchies ou planifiées, ces initiatives accentuent souvent la dégradation de milieux sensibles ; et par là, celle des conditions de vie des populations les plus exposées aux effets du réchauffement et aux épisodes climatiques critiques.
Impacts démographiques et sanitaires du réchauffement climatique
L’enjeu est devenu global même si les évolutions du climat ne sont pas encore considérées comme un facteur direct de déclenchement de conflits régionaux.
Mais elles tuent déjà, massivement… et depuis des décennies. Elles jouent aussi un rôle croissant dans les flux erratiques des migrations contraintes :
– Selon l’ONU, le nombre de catastrophes naturelles a presque doublé depuis 2000 et a causé le décès de 1,2 millions de personnes ;
– Estimé à 23 millions en 2020, le nombre de « réfugiés climatiques » pourrait s’établir à 220 millions en 2050. Ces mouvements s’effectuent d’abord vers des zones préservées, en proximité. Mais ils devraient engendrer des effets de vagues sous la pression démographique dans les prochaines années (Banque Mondiale).
Ces chiffres, éloquents, ne représentent hélas que l’arbre qui cache la forêt. Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur la survenue de risques sanitaires d’une plus grande ampleur.
La première source d’inquiétudes concerne l’insécurité alimentaire et les difficultés d’accès à l’eau potable. Mais ils relèvent aussi des signes précurseurs de fortes poussées épidémiologiques : recrudescence du choléra, diffusion géographique de maladies comme la dengue ou l’émergence régulière de nouvelles zoonoses… Ils insistent également sur les traumatismes provoqués par les évènements météorologiques extrêmes et les problèmes plus diffus de santé mentale (stress des jeunes générations) associés à l’augmentation des températures.
Les voies de la résilience passent par la sobriété, les coopérations et l’inclusion
Si ce rapport lance d’angoissants avertissements, ses auteurs se sont aussi attachés à poser les jalons de la voie de crête qui permettrait d’augmenter sensiblement les capacités d’adaptation puis de résilience mondiale afin d’échapper aux projections les plus pessimistes :
– ne pas dépasser la limite d’un réchauffement global de 1,5° en constitue la clef de voûte ;
– instaurer des mécanismes internationaux puissants de solidarité et de « justice climatique » pour tenir compte des historiques d’émissions passées de GES, des écarts de niveaux de développement et des vulnérabilités actuelles ;
– planifier des actions et projets d’adaptation, respectueux des interactions entre les écosystèmes et le mode de vie des populations, allant de l’échelle locale aux coopérations internationales ;
– promouvoir les convergences d’intérêts et de moyens publics et privés pour lever les contraintes de gouvernance, financières et institutionnelles, qui entravent les dynamiques nécessaires à un développement résilient.
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Olivier ABULI, consultant conseil et analyses