Un levier unique pour façonner les villes durables et l'aménagement des territoires
Réparti sur près de 132 000 acheteurs, l’achat public en France (État, collectivités et établissements de santé) représente entre 8 % et 10 % du PIB. Pour l’année 2022, l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) recense 235 600 marchés publics supérieurs ou égal à 90 000 euros HT, pour un montant total de 160 milliards d’euros, intégrant 22, 3% de clauses sociales et 29, 2% de clauses environnementales.
Qu’il s’agisse de marchés de fournitures, de travaux ou de services, la commande publique constitue donc, dans un contexte contraint des dépenses publiques, un levier essentiel pour transformer l’économie française et l’action publique en faveur des territoires responsables et des Plans climat air énergie territorial (PCAET). Et encourage par là même l’essor de modes de productions durables et de produits et services verts dont les caractéristiques peuvent être valorisées dans le cadre d’appels d’offres de la commande publique responsable pour les PME, ETI et grands groupes français.
Qu’est ce qu’un achat public durable ?
Dans la commande publique, les achats publics durables intègrent l’ensemble des critères de responsabilité environnementale et sociétale liés aux biens ou services et aux fournisseurs.
Qu’est ce que la commande publique durable ?
La commande publique correspond à l’ensemble des contrats conclus à titre onéreux par un acheteur public ou une autorité concédante (DSP et PPP) ayant une mission de service public pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Afin d’encourager les acteurs publics à être d’une plus grande exemplarité dans leurs achats, le Code de la commande publique intègre désormais des objectifs de durabilité à atteindre et incite les acheteurs publics, outre à respecter les principes de continuité, d’égalité d’accès et de neutralité, à dépasser le simple critère de l’offre la plus économiquement avantageuse qui prédominait jusqu’alors.
Que ce soit les acheteurs de l’Etat ou des collectivités territoriales, les acheteurs du secteur hospitalier et médico-social ou encore ceux des groupements de commandes et centrales d’achat, tous doivent dès à présent prendre en compte des objectifs sociaux environnementaux et sociaux de plus en plus ambitieux, et valoriser les pratiques innovantes et vertueuses à chaque étape de la réalisation de l’achat public.
Lors de la phase de définition du besoin :
Intégrer dès la conception du marché et à travers les termes pertinents les enjeux et impacts environnementaux et sociaux associés aux produits et services. Ces critères doivent prendre en compte la réalité sociale, technique et économique des entreprises et être suivis lors de la réalisation de la commande.
Lors de la phase d’instruction :
Respecter les règles de la commande publique et des autorisations budgétaires, en promouvant les principes de la commande publique responsable, permettant ainsi à un acheteur public d’exclure les opérateurs économiques n’ayant pas établi de plan de vigilance auquel ils peuvent être soumis, dès lors que ce motif d’exclusion a été prévu dans le règlement de consultation.
Lors de la phase d’exécution :
S’assurer que les fournitures, travaux ou services respectent bien leurs engagements et impacts environnementaux et sociaux tout au long de leur cycle de vie.
Les plans, lois et décrets en faveur de la commande publique durable
Plan national pour des achats durables (PNAD 2022-2025)
La stratégie nationale d’action pour les achats publics durables répond à une politique de l’Union européenne impulsée dès 2003, avec pour vocation première d’inspirer les organisations publiques et de les inciter à adopter une politique d’achats durables et d’assurer une cohérence entre les différents échelons de la commande publique.
Deux objectifs d’ici 2025 :
- 100% des contrats de la commande publique notifiés au cours de l’année comprennent au moins une considération environnementale.
- 30% des contrats de la commande publique notifiés au cours de l’année comprennent au moins une considération sociale.
Schéma de promotion des achats publics socialement et économiquement responsables (SPASER)
La Loi ESS du 31 juillet 2014 oblige les collectivités dont le volume d’achats annuel est supérieur à 50 millions d’euros à adopter et publier un SPASER. Mais il peut également s’effectuer de manière mutualisée par des acheteurs dont le montant total annuel d’achats est inférieur au montant fixé par voie réglementaire.
Les indicateurs obligatoires de mise en oeuvre (politique d’achat de biens et de services comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique visant notamment à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie, d’eau et de matériaux) prévus dans les schémas doivent être publiés a minima tous les deux ans.
Loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire
Elle impose que les biens acquis annuellement par les services de l’Etat et les collectivités territoriales soient issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit. Visant à transformer notre économie linéaire en une économie circulaire.
Le décret du 21 février 2024 accroît, à compter du 1er juillet 2024, la part des acquisitions de biens issus de l’économie circulaire par les acheteurs publics de l’Etat et des collectivités territoriales. Pour cela, il modifie la liste des produits visés ainsi que, pour chacun d’eux, la part minimale des acquisitions qui doit être issue des filières du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage.
Loi Climat et résilience
Lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, prévoit que la commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable par la prise en considération des critères sociaux et environnementaux qui doivent se rapporter strictement à l’objet du marché.
Loi Industrie verte
Exclut des marchés publics les entreprises ne satisfaisant pas à l’obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES) et les entreprises ne respectant pas leurs engagements de publication d’information en matière de durabilité.
Nos recommandations et bonnes pratiques pour des achats responsables
Prise de conscience, formulation des appels d’offres, choix des prestataires durables, exécution du marché, etc, faire de la commande publique responsable un levier d’action prépondérant en faveur du développement durable peut s’effectuer par les points suivants :
Accompagnement et formation
Former et acculturer les élus, donneurs d’ordres et acheteurs publics au droit de la commande publique et à la prise en compte des considérations environnementales et sociales (via réseaux d’acheteurs publics tels que celui de la plateforme Rapidd, le MOOC d’OpenClassrooms, le CNFPT ou encore les guichets verts).
La gouvernance politique et administrative
Dépasser la vision juridique et financière de la commande publique nécessite le renforcement de la fonction achat au sein des organigrammes avec par exemple le recrutement d’un DGA Achats responsables. L’engagement des élus doit se traduire dans des instances politiques permettant d’élaborer et de suivre la démarche sur le long terme.
Spécifier les besoins au regard des objectifs de transition
Les achats ne doivent plus être considérés de manière éparse et siloté, mais doivent s’inscrire dans une stratégie globale et systémique à l’échelle du territoire (PCAET, COP régionales, etc). Il s’agit pour les acteurs publics de viser la maîtrise du coût final pour l’usager et finalement de questionner leurs projets en termes de pertinence des services rendus en regard des consommations de ressources et des émissions sur l’ensemble du cycle de vie des projets, pour aller vers une plus grande sobriété et atteindre les objectifs de transition.
Les critères verts dans les spécifications
Outre les considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations, l’intégration de critères verts est désormais obligatoire dans le choix du soumissionnaire (hors marchés et concessions de défense ou de sécurité). Les solutions marketplace et SaaS de sourcing durable permettent, en dehors des périodes de procédures d’achat, d’accéder avec une carte d’achat, à l’affichage et aux informations réglementaires de performance environnementale des produits (PIM), ainsi qu’aux données extra-financières des soumissionnaires. La définition du besoin n’en sera ainsi que plus précise et mieux adaptée.
La vigilance
Bien que le cadre juridique oblige à ce que les critères environnementaux et sociaux soient en lien avec l’objet du marché, les acheteurs peuvent désormais exclure de la procédure de passation d’un marché public ou d’une concession, les entreprises qui ne respectent pas leur obligation de publier un plan de vigilance (réglementations en vigueur sur les conditions de travail ou sur les lois environnementales).
Penser en coût global
Les achats responsables appellent à une vision beaucoup plus systémique et cohérente grâce à une analyse systématique des impacts environnementaux et sociaux associés aux achats (impacts positifs et externalités négatives dans le cas d’évaluations de monétarisation socioéconomiques notamment).
L’approche en coût global inclut donc les coûts internes d’un produit, d’un service ou d’un ouvrage, aussi appelés coûts financiers (acquisition, utilisation, maintenance et fin de vie), mais également les coûts imputés aux externalités environnementales et sociales durant son cycle de vie.
Concrètement, cela passe par le remplacement du critère prix par celui du coût global, de prévoir des variantes incluant des aspects environnementaux et sociaux, en s’ouvrant à l’innovation et en ajustant la pondération des critères. Et mettre en place des modalités de suivi du respect des engagements dans la réalisation du marché, avec des actions correctives et des sanctions en cas de manquement.
Renforcer l’attractivité des marchés publics
L’attractivité des marchés publics et de leur performance durable, passe en partie par une simplification des procédures et donc une réduction des problématiques de conformité juridique dans les procédure (adaptation du montage contractuel – procédure de mise en concurrence, allotissement, pertinence des critères de sélection des offres), ainsi qu’une réduction des délais de paiement auprès des fournisseurs et notamment les TPE/ PME, pour souligner qu’une politique d’achats responsables passe d’abord par une relation équilibrée et de confiance entre les organismes signataires et leurs fournisseurs.