D’origine sénatoriale, la loi visant à Réduire l’Empreinte Environnementale du Numérique en France (REEN) a été adoptée mi-novembre, alors que la communauté internationale dressait le bilan mitigé de la COP26. Les parlementaires français souhaitaient ainsi « faire oeuvre utile » en posant les bases d’une législation pionnière de maîtrise de l’empreinte environnementale du secteur.
Leur constat : avec le développement des usages, les émissions carbone liées au numérique (2% des rejets nationaux) se rapprochent de celles du transport aérien et menacent de peser pour 7% en 2040.
Susciter une prise de conscience des impacts du numérique
Ce premier objectif porte à la fois sur les dimensions pédagogiques et matérielles afin d’infléchir progressivement les comportements vers une forme de « sobriété numérique ».
Formation et information
Sur ce premier axe, le texte REEN prévoit d’inclure cette sensibilisation dans les modules déjà dispensés aux scolaires sur les TIC du primaire à la classe de Terminale. Au niveau universitaire, l’écoconception des services numériques sera intégrée à la formation de base des ingénieurs informatiques.
S’agissant de l’information du grand public, l’ADEME et l’autorité de régulation des communications électroniques (ARCEP) sont conjointement chargées de constituer et d’animer un « observatoire des impacts environnementaux du numérique ».
Durée de vie des appareils numériques
La fabrication des terminaux représente 70% de l’empreinte carbone du numérique en France. L’allongement de leur durée de vie est donc primordial pour la maîtriser.
La Loi du 15 novembre pose ici des jalons à destination des acteurs du marché. Ils annoncent de potentielles orientations plus fermes à venir pour lutter contre le « toujours plus » : obsolescences matérielles et logicielles programmées, durée limitée de disponibilité des pièces détachées, restrictions d’utilisation ou de réemploi par des systèmes propriétaires…
Enfin, le texte relève le curseur des objectifs de recyclage et de réemploi des biens numériques en s’appuyant sur des facilités accordées à l’économie sociale et solidaire (ESS) tout en renforçant les obligations de collecte pour les producteurs et les relais qui leur sont associés : distributeurs et éco-organismes associés.
Améliorer la sobriété des infrastructures et réseaux
Les conditionnalités environnementales qui s’appliquent aux Datacenter pour bénéficier d’un tarif réduit sur la taxe de consommation finale d’électricité (TICFE) seront élevées dès 2022.
Par ailleurs, les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) dont l’élaboration revient aux collectivités locales devront prendre en compte la problématique de récupération de chaleur de ces centres de données.
Une autre disposition permettra aux maires des zones rurales à faible densité de demander aux opérateurs de justifier du non recours à un site relais commun ou au partage d’un pylône pour le déploiement de leurs réseaux.
Faire émerger une stratégie numérique responsable à la maille territoriale
Outre les points qui précèdent, les communes et les intercommunalités de plus de 50 000 habitants devront se doter, à partir de 2025, d’une stratégie numérique responsable comprenant des objectifs territoriaux et des mesures de réduction de l’empreinte environnementale.
Réemployer les équipements déclassés des services de l’État et des collectivités
La loi REEN pose également le principe général du réemploi ou du don des matériels fonctionnels dont les administrations publiques se séparent. La liste des bénéficiaires éligibles (associations d’utilité publique et des sphères éducatives scolaires et universitaires) est étendue aux entreprises de l’ESS et aux organismes agréés de réutilisation.
En édictant ces mesures dans un calendrier contraint (COP26, fenêtre d’adoption en fin de mandat), les parlementaires ont assumé avoir tracé ce sillon pour envoyer des signaux forts aux industriels, professionnels et usagers du numérique.
Pour rendre le texte totalement applicable et cohérent, des compléments d’analyses et des études sectorielles de mise en oeuvre s’avèrent encore nécessaires : il est par exemple attendu du Gouvernement une remise sous six mois de rapports d’impacts sur des sujets aussi divers que la pratique du jeu en ligne, l’usage de la VOD, le développement des Crypto-monnaies ou les capacités de retraitement à date des filières de recyclage et de réemploi.
Une vision et les bases d’une législation n’en sont pas moins fixées.
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Olivier ABULI, consultant conseil et analyses