Les entreprises s’emparent du défi de la transformation durable.
Mettre en place une réduction de la vitesse sur autoroute en passant de 130 km/h à 110km/h, organiser progressivement la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs d’ici 2025, uniquement sur les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps (sur un trajet de moins de 4h), ou bien encore légiférer sur le crime d’écocide, sont quelques unes des plus emblématiques et médiatiques propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat.
Expérience démocratique inédite en France, la Convention Citoyenne pour le Climat a réuni d’octobre 2019 à juin 2020, cent cinquante citoyens et citoyennes, tous tirés au sort, pour définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale.
Ainsi, les 150 participantes et participants, issus de tous les milieux socioprofessionnels ont pu faire leurs propositions autour de cinq thématiques clé de la vie quotidienne, telles que : se nourrir, se loger, se déplacer, travailler et produire, consommer et ce avec le soutien d’un Comité de gouvernance, d’experts techniques et juridiques et de professionnels de la participation et de la délibération collective.
L’entreprise, au carrefour des axes prioritaires de transformations.
Quelques mois plus tard, comme un pied de nez face aux 90% des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat rejetées, non appliquées ou édulcorées par le Gouvernement, Eric Duverger, cadre chez Michelin, créait en décembre 2020, la Convention des Entreprises pour le Climat, en fédérant des dirigeantes et dirigeants de plus de 150 entreprises de toutes les régions de France, de tous secteurs et toutes tailles, ayant pour mission “d’accélérer les stratégies bas-carbone et de reconnexion au vivant de chacune des entreprises participantes et de formuler des propositions concrètes, ambitieuses et exigeantes, issues des entreprises, en faveur de la transition vers une économie écologique”.
Si les intitulés des deux conventions étaient proches et leurs ambitions complémentaires, le parti pris ne fut pas cette fois-ci de lister à proprement parler des propositions, mais que chaque entreprise participante, sur la base d’un référentiel commun, réinvente son modèle d’affaire dans le cadre des limites planétaires, via la construction d’une Feuille de route de compatibilité avec les Accords de Paris et les objectifs européens à l’horizon 2030.
Le rapport final de la première Convention des Entreprises pour le Climat rendu en octobre 2022, présente donc les feuilles de route des 150 entreprises participantes où chacune d’entre elle expose son cap pour 2030, ses leviers de redirection, ses objectifs d’impacts mesurables, son plan d’action ainsi que la façon dont elle mobilise ses écosystèmes.
Triptyque de cette séquence inédite, initiée par la Convention Citoyenne pour le Climat, fruit des conclusions du Grand Débat national, d’une proposition du collectif “Gilets citoyens” et du Conseil économique, social et environnemental, une autre assemblée de non spécialistes, le Grand Défi des entreprises pour la planète, publiait ses 100 propositions pour accélérer la transition écologique de l’économie et des entreprises le 9 février dernier au CESE.
Soit quelques jours après la tenue du premier Conseil de Planification Écologique fin janvier 2023 où le Président de la République a appelé à doubler la réduction annuelle d’émissions carbone constatée au cours des cinq dernières années en invitant l’ensemble des acteurs économiques à accélérer leurs efforts de transitions pour tenir les objectifs de 2030.
Face à un contexte géopolitique et financier marqué par la crise COVID, le conflit ukrainien, les tensions entre la Chine et les Etats-Unis et leurs conséquences énergétiques et inflationnistes, la stratégie des entreprises pour se transformer durablement tend notamment à se recentrer sur le traitement des poches carbone les plus significatives, en stimulant l’élaboration et la diffusion de solutions techniques alternatives. Les entreprises, à la croisée d’écosystèmes d’approvisionnement, de production et de chaînes logistiques de distribution ont ainsi été au cœur des annonces structurantes les plus récentes :
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consacrer 5 milliards à la décarbonation des 50 plus grands sites industriels français qui émettent aujourd’hui plus de 43 millions de tonnes de gaz à effet de serre,
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renforcer la mobilisation des investissements publics et privés sur les entreprises innovantes pour le financement de l’innovation et de la R&D,
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accélérer l’électrification des mobilités, notamment interurbaines, avec un plan de dessertes ferroviaires de type RER concernant 10 Métropoles et l’investissement d’1 milliard d’euros par an jusqu’à 2040 consacrés à la régénération du réseau ferroviaire vieillissant et 500 millions d’euros pour sa modernisation.
L’entreprise, un potentiel de démultiplication supérieur à celui du « levier citoyen ».
Conscients de l’urgence, de plus en plus de particuliers et d’entreprises font leur part sans attendre que la législation soit en place. La transformation étant systémique, le combat ne pourra être gagné que s’il est mené sur tous les fronts. Il s’agit en effet de travailler à la fois sur l’offre et la demande, en changeant tout à la fois ses habitudes de consommation, de production et de vente.
Pour mieux mesurer le défi face à nous et avoir en tête les bons ordres de grandeur, l’empreinte carbone des Français représentait 11, 2 tonnes équivalent CO2 (t CO2 éq) par habitant en 2018 (dont 84% liés à la consommation des biens et services produits) et doit passer à 2 tonnes de CO2 par an entre aujourd’hui et 2100, pour tenir compte de l’évolution de la population mondiale d’ici 2100 et respecter une répartition strictement égalitaire de la quantité de CO2 qu’il reste à émettre. Tandis que les entreprises doivent viser la neutralité carbone d’ici 2050. L’objectif pour la France est de passer à 270 millions de tonnes de CO2 émises en 2030, soit une baisse de 140 millions par rapport à nos émissions actuelles.
Le Conseil de Planification Écologique a l’ambition d’y parvenir, en mobilisant et en engageant chaque secteur, chaque entreprise, chaque citoyen à se mettre sur la trajectoire. Pendant ce temps et comme un appel à accélérer et à agir, de nombreuses initiatives citoyennes et privées montrent chaque jour que de plus en plus de Français y sont prêts.
Le grand défi semble donc plutôt être du côté des acteurs publics et du Gouvernement, qui doit réellement s’emparer du sujet, notamment en reprenant les propositions de ces derniers dans les nombreuses lois à venir sur le sujet. Et ensuite d’en signer rapidement les décrets d’application et d’en assurer scrupuleusement le suivi et l’efficacité dans le temps, pour relever ensemble le défi du siècle.
Pour en savoir plus :
– Le rapport de la Convention Citoyenne pour le Climat
– Le rapport de la Convention des Entreprises pour le Climat