Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire : conjuguer bénéfices environnementaux, enjeux économiques et optimisation des marchés publics.
Projection encore utopique il y a seulement dix ans aux heures des balbutiements de l’énergie éolienne, des véhicules hybrides ou de l’agriculture biologique, la décarbonation de nos économies s’inscrit désormais dans une nouvelle course mondiale à l’innovations et à la compétitivité. Les pays d’Europe, dont les ressources en matières premières stratégiques sont limitées, y ont une partition spécifique à y jouer.
La France se dote d’une trajectoire et d’un calendrier.
Les deux textes « anti-gaspillage » votés en début d’année apportent une clef de voûte à un ensemble d’orientations et de choix négociés puis arrêtés depuis 2015 (engagements européens, consultation des collectivités, industriels et distributeurs, convention citoyenne…).
L’objectif est de réduire très sensiblement notre volume de déchets et nos consommations de matières brutes d’ici 2040 en agissant sur l’ensemble du cycle de vie des produits. Pour l’atteindre, l’intervention des pouvoirs publics se concentre sur quatre leviers structurants.
La coercition.
L’interdiction des plastiques à usage unique, dès 2021 et 2022 pour certains, se pose ainsi en mesure emblématique de la loi « pour une économie circulaire ». Anticipée par les fabricants, ses effets sont déjà tangibles dans les points de vente alimentaire à emporter ou les rayonnages de supermarchés. Emballages cartonnés et ustensiles en bambou y remplacent le plastique. Des groupes comme Danone ou McDonald’s ont aussi annoncé une transformation de leurs conditionnements.
La pénalisation financière.
La loi de finances pour 2019 a posé les bases d’une forte augmentation d’ici à 2025 de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) qui s’applique aux déchets destinés à l’enfouissement mais aussi à l’incinération. Si les entreprises sont concernées, ce sont surtout les collectivités qui en seront impactées en raison des volumes en jeu. Pour les agglomérations importantes, la facture pourrait atteindre plusieurs centaines voire millions d’euros par an.
L’augmentation des performances de recyclage.
Cette pénalisation de la valorisation dite « énergétique » vise à améliorer les taux effectifs du strict recyclage-matières.
Dans le secteur industriel et les activités économiques, ils sont satisfaisants, variant de 55% à 70% selon l’Ademe. Il s’agit alors soit de restructurer des filières historiques déséquilibrées par des externalités (cas du papier recyclé), soit d’en conforter de plus récentes comme celle des vêtements de travail (des initiatives du ministère des Armées ou de la SNCF y contribuent).
L’évolution des normes, comme celles qui vont s’imposer dans la construction, a aussi vocation à s’inscrire dans une finalité d’optimisation.
L’effort à porter sur les déchets ménagers est plus important.
Les flux sont très hétérogènes et le taux-cible de 50% de recyclage (62% en Allemagne) n’est toujours pas atteint (Eurostat).
La stimulation de l’écoconception.
Anticiper le retraitement d’un produit dès la conception est fondamental. Le plan de relance, axé sur la neutralité carbone, l’indépendance technologique et économique, devrait alors en toute logique soutenir fortement la R&D et l’innovation dans l’écoconception.
Mobiliser la force de frappe de la commande publique.
La commande publique nationale annuelle pèse environ 400 milliards, soit 16% du PIB. Depuis 2015, la transposition de directives européennes en droit interne permet d’intégrer des clauses sociales et environnementales à ces marchés. Or, si les thématiques écologiques occupent une place de choix dans les débats politiques, cette sensibilité ne se traduit qu’à la marge en termes d’achats publics. Et encore, souvent ne s’agit-il que d’exiger des certifications ou labels en voie de banalisation !
C’est pourquoi il convient de saluer le décret d’application de la loi AGEC en date du 9 mars dernier qui instaure, pour une quarantaine de types de produits, une proportion minimale d’achats intégrant des matières recyclées dont un taux issu du réemploi ou de la réutilisation.
Ce faisant, il ouvre une brèche salutaire dans le dogme si souvent dénoncé et critiquable du « moins- disant » et l’arbitraire qui y est associé par la prépondérance critère « prix ».
Frédéric Marty en théorisait un bénéfice potentiel dès 2012 : « l’insertion de critères environnementaux dans les marchés publics peut être doublement profitable, en déplaçant les achats vers des biens certes plus onéreux, mais dont l’utilisation sur l’ensemble du cycle de vie s’avèrera moindre »
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F Marty, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00673124
Olivier ABULI, consultant conseil et analyses