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Comment réussir sa transition à la CSRD ?

Prélude à la comptabilité triple capital, la CSRD, est bien plus qu’un simple nouveau reporting, mais amène les entreprises à repenser leur rôle, leur mission et finalement leur place et leur lien avec l’environnement, le social et leur ressources humaines.

Peut-être commencez-vous à l’entrapercevoir, mais ces quatre lettres ou ce nouvel acronyme qui est en bonne place dans notre Vettedico, ne sont pas seulement un langage ou une représentation plus fine du monde qui nous entoure et dans lequel on vit, mais la transformation profonde de votre modèle d’affaires et de votre impact dans la société.

Au commencement était la publication de la Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) no 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, puis l’Ordonnance no2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales.

Une fois ces considérations juridiques mentionnées, mais qui méritent néanmoins d’être lues attentivement par l’ensemble des équipes concernées par le sujet et à minima CEO, CFO, CIO, CMO – et pas seulement par vos équipes juridiques.

1. Que signifie la directive CSRD ?

La Corporate Sustainability Reporting Directive, partie intégrante du pacte vert pour l’Europe, a pour ambition de rendre les entreprises responsables, en les obligeant à publier annuellement leurs données sur leur impact environnemental, sociétal et de gouvernance. Et ainsi mettre l’extra-financier sur le même pied d’égalité que le financier. Cela afin de tenir compte des limites planétaires, de bannir les pratiques d’écoblanchiment, de contribuer aux objectifs de l’UE ambitionnant de devenir le premier continent net zero et de poser les jalons du prochain standard international de normes d’information sur la durabilité en vue du déploiement à venir de la comptabilité triple capital.

2. Quelles implications sur l'entreprise, ses activités et sa chaîne de valeur ?

Bien que ce ne soit pas encore de la comptabilité durable ou écologique, la CSRD est soumise à audit annuel, via commissaire aux comptes ou prestataire de service d’assurance indépendant (PSAI) : avocat ou expert-comptable. La CSRD amène donc avec elle un cadre méthodologique rigoureux et la création d’un tout nouveau dataset (aussi bien quantitatif, que qualitatif) extra-financier, qui va rendre visible nombre de sujets, d’enjeux et de problématiques qui ne l’étaient pas forcément jusqu’alors. Ce qui va grandement vous aider à piloter et à accélérer la transformation durable de votre entreprise, puisque l’on améliore que ce que l’on mesure.

Pour tirer la pleine quintessence de l’exercice, cela nécessite si pas déjà fait ou en cours, de vous doter des bonnes compétences en interne, via notamment le recrutement d’un Directeur RSE aussi appelé Chief Impact Officer ou Chief Value Officer, ainsi que d’un Chef de projet CSRD et ou développement durable. Sans oublier bien sûr d’impliquer le top management et le middle management et de vous outiller avec la bonne stack logicielle pour piloter vos indicateurs et votre trajectoire via notamment l’implémentation d’un logiciel HSE, ou EHSQ software en anglais, pour conduire et monitorer votre politique SST et RSE.

3. Quelles sont les entreprises concernées par la CSRD ?

Entrée en vigueur au 1er janvier 2024, l’obligation de publier son reporting de durabilité est progressive selon la typologie d’entreprises : notamment la taille, mais aussi la nationalité et l’origine géographique. En effet, certaines entreprises non- européennes réalisant plus de 150M€ de CA en Europe via leurs filiales ou succursales sont assujetties au reporting de leurs impacts socio-environnementaux.

Le calendrier d’application de la CSRD
Catégories d’entreprisesExercice de référenceAnnée du 1er reporting
Grandes entreprises européennes et non européennes déjà assujetties aux seuils de la NFRD.

Ainsi que les entités d’intérêt public européennes et les sociétés non européennes cotées sur un marché réglementé européen, qui satisfont les deux critères suivants :

> 500 salariés
> 40M€ CA et/ou > 20M€ de total de bilan
20242025
Toutes les autres sociétés européennes qui satisfont au moins deux des critères suivants :

> 250 salariés
> 40M€ CA
> 20M€ de total de bilan

Toutes les sociétés non-UE cotées sur un marché réglementé UE qui satisfont deux des trois critères mentionnés ci-dessus.
20252026
PME cotées sur marché réglementé européen

Toutes les PME UE et non-UE cotées sur un marché réglementé européen, à l’exception des microentreprises (société ne dépassant pas deux des critères suivants : 10 salariés, 250K€ de total de bilan, 700K€ de CA).
2026 (possibilité de reporter à 2028)2027 (possibilité de reporter à 2029)
Autres grandes entreprises non-européennes

Sociétés non européennes ayant un chiffre d’affaires européen supérieur à 150M€ et une filiale ou succursale basée dans l’Union européenne.
20282029

Pour les entreprises ayant la possibilité de reporter, cela signifie non pas qu’elles sont exemptées ou que c’est facultatif, mais qu’elles ont la possibilité, pendant la période de report, de ne pas appliquer les exigences de reporting de la CSRD, dès lors qu’elles apportent dans leur rapport de gestion, les éléments justificatifs expliquant les raisons pour lesquelles elles s’en abstiennent.

4. TPE et autres PME pourquoi et comment se préparer à la CSRD ?

Le plus tôt sera le mieux. Pour au moins trois bonnes raisons :

  1.  Les entreprises pérennes seront durables. En plus de l’ensemble des actions à impact positif que vous menez au quotidien, votre reporting extra-financier en sera la preuve irréfutable,
  2.  Au même titre que les grands groupes, ETI et PME, vous êtes un acteur à part entière des chaînes de valeur de vos clients en France et en Europe et êtes donc concernés par effet domino,
  3. Enfin et comme l’indique Patrick de Cambourg, Président du Sustainability Reporting Board de l’EFRAG, “se placer dans la logique volontaire amène de meilleures décisions et une meilleure relation avec ses clients, ses fournisseurs mais aussi avec les institutions financières. De manière générale, la logique volontaire apporte une meilleure intégration dans l’économie en général et in fine une meilleure contribution à la société”.

5. Conformité, seuils, conditions et exceptions de publication du rapport de durabilité

À l’instar de votre reporting financier qui s’effectue chaque année, vous devez effectuer votre reporting extra-financier avec le même sérieux, la même régularité et la même implication. Néanmoins, le régulateur autorise à ne pas le faire sur une année où il y a eu :

  • Une opération de M&A
  • Un changement significatif de fournisseur ou sous-traitant clé au sein de votre supply chain et de votre chaîne de valeur
  • Des événements imprévisibles tels qu’une pandémie par exemple

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6. Que signifie Double matérialité ?

Également dénommée « Double importance relative », l’analyse de double matérialité consolide deux types de matérialité pour identifier les enjeux vitaux et qui peuvent notamment influencer les décisions des acteurs financiers. La double matérialité inclut donc le scope interne à l’entreprise mais aussi sa chaîne de valeur.

  • La matérialité d’impact (Inside-Out), qui s’intéresse à l’impact des activités de l’entreprise sur l’environnement et la société : elle couvre les impacts liés aux activités et à la chaîne de valeur de l’entreprise, y compris par le biais de ses produits et services ainsi que de ses relations d’affaires.
  • La matérialité financière (Outside-in) qui matérialise l’impact des enjeux sociétaux et environnementaux sur la performance économique de l’entreprise. Elle couvre l’évolution de la situation et de la performance financière de l’entreprise, le cash flow, l’accès aux financements et le coût du capital à court, moyen et long terme. A noter que les impacts de la matérialité financière s’inscrivent dans un temps plus long, conséquence des impacts positifs et négatifs, que le reporting financier classique. La matérialité financière est également couplée aux normes IFRS et aux GAAP: Generaly Accepted Accounting Principles.

L’analyse de double matérialité s’étudie sous le prisme suivant :

  • L’envergure,
  • Le scope (Topic/ Sub-topic/ Sub-sub-topic-level), en lien également avec les directives de l’OCDE, Guidelines for multinational enterprise et de l’ONU, UN guideline principles on business and human rights,
  • Le caractère irrémédiable de l’impact : l’évitement, la minimisation, la restitution, la restauration, la compensation,
  • La probabilité d’occurrence.

Deux approches sont possibles pour son analyse double matérialité :

  1. Approche top/ down, avec une évaluation réalisée au niveau du groupe tout en engageant ou en consultant les filiales pour des questions spécifiques,
  2. Approche bottom-up avec une évaluation réalisée au niveau des filiales et une consolidation des résultats.

Dans le dialogue avec les sous-traitants et la chaîne de valeur, l’entreprise peut être affectée positivement comme négativement, ce n’est pas que négatif. Loin s’en faut !

De l’analyse de double matérialité découle les IRO (Impacts, Risques et Opportunités) actuels et futurs, liés au durable, pour le business model, la stratégie et les décisions du Management board.

Une fois les impacts matérialisés, ceux-ci doivent être reportés dans les ESRS.

7. Que signifie l'analyse d'écarts ?

Comme son nom l’indique l’analyse d’écarts ou Gap Analysis permet d’effectuer l’inventaire de vos écarts et construire votre feuille de route de reporting, de conformité et de transformation. En clair, cela consiste à identifier l’ensemble des sujets clés que votre entreprise maîtrise versus ceux à renforcer et à améliorer pour répondre pleinement aux exigences de la CSRD. Une fois passés en revue, les écarts doivent faire l’objet d’une synthèse pour ajuster et être au niveau des attendus de l’audit.

L’analyse d’écarts s’effectue en parallèle de l’analyse de double matérialité et peut déjà commencer avec les informations que vous avez publiés avant la publication de la CSRD, telles que :

  • éléments communiqués au sein de la DPEF (déclaration de performance extra-financière),
  • éléments contenus dans votre Bilan carbone et/ ou votre rapport climat ou encore RSE,
  • éléments mentionnés dans la rubrique Facteurs de risques du document d’enregistrement universel (URD),
  • informations fournies dans l’ensemble des supports de communication des sociétés ou encore au titre du Plan de vigilance.

8. Que signifient les IRO ?

Pour évaluer ses Impacts, Risques et Opportunités, l’entreprise doit tenir compte de ses propres dépendances à l’égard des ressources naturelles, humaines et sociales. L’entreprise doit notamment identifier les changements potentiels dans la disponibilité, le prix et la qualité de ces ressources, qui sont des sources de risques et d’opportunités, y compris ceux provenant de sa chaîne de valeur en amont et en aval.

Lorsqu’elle identifie et évalue ses impacts, risques et opportunités dans sa chaîne de valeur en vue de déterminer leur matérialité, l’entreprise, à l’image d’une due diligence, doit d’abord s’intéresser aux domaines dans lesquels les impacts, les risques et les opportunités sont réputés susceptibles de survenir selon la nature des activités et des secteurs, les relations d’affaires et fournisseurs, la situation géographique, les opérations et autres facteurs pertinents.

9. Comment cartographier vos hotspots tout au long de la chaîne de valeur ?

Les articles 19(a)3 et 29(a)3 de la Directive sur la Responsabilité environnementale et sociale des entreprises exigent que les informations et données communiquées portent sur les activités propres de l’entreprise et sur sa chaîne de valeur en amont et en aval, y compris ses produits et services, ses relations d’affaires et sa chaîne d’approvisionnement.

La chaîne de valeur est définie comme l’ensemble des activités, des ressources et des relations liées au modèle commercial de l’entreprise et à l’environnement externe dans lequel elle opère. La chaîne de valeur englobe donc les activités, les ressources et les relations que l’entreprise utilise et sur lesquelles elle s’appuie pour créer ses produits et/ ou services, de la conception à la fin de vie. Les activités, ressources et relations pertinentes sont notamment les suivantes :

  • Les activités propres à l’entreprise, telles que les ressources humaines,
  • Les risques liés aux canaux d’approvisionnement, de commercialisation et de distribution de l’entreprise, tels que l’approvisionnement en matériaux et en services, ainsi que la vente et la livraison de produits et de services,
  • Les environnements financiers, géographiques, géopolitiques et réglementaires dans lesquels l’entreprise opère.

La chaîne de valeur comprend les acteurs en amont de l’entreprise (exemple : les fournisseurs de produits et/ ou services qui sont utilisés dans le développement des produits ou des services de l’entreprise), ainsi que les entités en aval de l’entreprise (exemple : les distributeurs, les clients) qui reçoivent les produits et/ ou services de l’entreprise).

Les relations d’affaires ne se limitent pas aux relations contractuelles directes. Elles comprennent les relations d’affaires indirectes dans la chaîne de valeur de l’entreprise, au-delà de leur premier niveau ou des liens capitalistiques et d’actionnariat.

Pour les données relatives à la chaîne de valeur, un bon point de départ est une compréhension approfondie de ce qui, où et comment les intrants pour ses produits et/ou services sont obtenus en amont et/ou ses produits et services sont mis sur le marché en aval.

10. Les critères de reporting européens normés : ESRS

Les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) ou Normes européennes d’information en matière de durabilité en français, sont constituées à ce jour de 1178 datapoints répartis en 12 chapitres :

2 chapitres à caractère général :
ESRS 1 : Exigences générales “General Requirement”, pour fixer les concepts
ESRS 2 : Informations générales “General disclosures”, pour aborder l’ensemble des enjeux systémiques liés au durable : modèle d’affaire, IRO, gouvernance, etc

5 chapitres liés à l’environnement :
ESRS E1 : Climat
ESRS E2 : Pollution
ESRS E3 : Ressources marines et en eau
ESRS E4 : Biodiversité et écosystèmes
ESRS E5 : Economie circulaire et utilisation des ressources

4 chapitres liés au social :
ESRS S1 : Collaborateurs et ressources humaines de mon organisation
ESRS S2 : Employés de la chaîne de valeur
ESRS S3 : Communautés concernées/ affectées
ESRS S4 : Clients et utilisateurs finaux

1 chapitre lié à la gouvernance :
ESRS G1 : Conduite des affaires

Ces données peuvent être soit au format numérique (pourcentages, nombres décimaux, monétaires, dates, poids, volumes, etc), soit en format narratif ou semi-narratif (Boléen). Brève illustration ci-dessous avec 5 datapoints de l’ESRS E1:

. Explanation of how targets are compatible with limiting of global warming to one and half degrees Celsius in line with Paris Agreement : format narratif
. Financial resources allocated to action plan (OpEx) : format monétaire
. Transition plan is approved by administrative, management and supervisory bodies : format semi narratif
. Expected GHG emission reductions : ghg Emissions
. Percentage of Scope 3 Greenhouse gas emissions reduction (as of emissions of base year) : Table/ %

Au delà de mettre le reporting extra-financier au même niveau de qualité que le
reporting financier, il s’agit de créer un langage commun à toutes les entreprises :

  1. Normaliser l’information ESG vérifiée et auditable par les Commissaires aux comptes ou PSAI,
  2. Aligner la période de reporting ESG sur les états financiers,
  3. Publier d’ici peu sa taxonomie ESRS au format iXBRL, au même titre que l’ESEF, pour être consultable par les équipes internes et de direction, les actionnaires, les parties prenantes et même les concurrents. A noter également que les normes sectorielles des ESRS seront publiées en 2026, mais celles de 8 secteurs prioritaires seront divulguées avant cette date.

In fine, ces 12 chapitres de données permettent aux entreprises de fonctionner sur leurs deux jambes, celle financière et celle extra financière, car comme le mentionne également Patrick de Cambourg “on ne peut pas faire comme si la seule performance de l’année passée était le signe de la santé générale de l’entreprise et surtout de sa santé à long terme”.

En relevant le challenge de la donnée vérifiée et donc de l’objectivité et de la transparence, la CSRD et les ESRS permettent à tout un chacun de comprendre :

– Comment chaque entreprise et sa gouvernance prend réellement en compte les enjeux de transformation durable,
– Comment ces enjeux sont ancrés dans la stratégie et modifient la chaîne de valeur et le business model. Dans un monde en transition, toute entreprise doit se poser avec acuité la question de la pertinence du sens et des usages de ses produits et/ ou services,
– Quels sont les moyens et ressources mis en place pour atteindre les objectifs et la trajectoire.

Bonus - Dois-je faire auditer mon rapport extra-financier par le même prestataire que celui chargé de mon reporting financier ?

Pas nécessairement. Toute entreprise assujettie à la CSRD doit désormais inclure des informations en matière de durabilité (enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernement d’entreprise), au sein d’une section distincte de son rapport de gestion. Pour la mission de certification des informations en matière de durabilité, vous pouvez faire appel à un Commissaire aux comptes ou prestataire de service d’assurance indépendant (PSAI) : avocat ou expert-comptable.

De manière générale, ayez toujours en vue qu’être assujetti à la CSRD ne signifie pas à ce stade être durable. Tout comme le reporting financier ne signifie pas que l’entreprise est rentable et en bonne santé. La véritable transformation commence seulement maintenant en améliorant continuellement vos KPI, vos données et vos résultats, en faisant notamment le choix de travailler avec des fournisseurs responsables et des solutions durables.

Vous souhaitez approfondir vos connaissances sur la CSRD et les ESRS ?

On en parle dans Systemic Podcast avec Patrick De Cambourg 👉

Se conformer à la directive CSRD avec la publication des informations extra-financières

Savez-vous où et comment collecter vos données ?