C’est une révolution systémique qui va s’imposer aux activités financières, fiduciaires et assurantielles à brève échéance : fin Mars, le régulateur de Wall Street a validé la mise en consultation d’un document destiné à rendre obligatoire la publication annuelle par les sociétés cotées d’un reporting standardisé sur leur exposition au risque climatique.
Cette annonce de la SEC n’est intervenue que quelques jours après l’adoption au Parlement européen du projet de nouvelle directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD) ! La Commission en avait confié l’élaboration à l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG) dans le cadre du Paquet qui comprend la taxinomie et vise à orienter les flux financiers vers des technologies et des entreprises durables.
Pour Arnaud Bergero, directeur des opérations de Goodwill-Management interviewé par la Web TV de Vetted.fr, l’époque des déclarations d’intentions et du récit narratif sur la Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) des organisations est désormais révolue. Ce qu’il résume par la formule « le reporting écologique va cesser de conter ; pour sérieusement commencer à compter ».
2024 en ligne de mire
À Bruxelles, on entend négocier un texte législatif final dans les plus brefs délais. L’objectif de la Commission est de parvenir à une transposition en droits nationaux pour le 1er décembre 2022, pour une mise en application sur l’exercice fiscal 2023.
De l’autre côté de l’Atlantique, le projet de la SEC porte sur une déclaration des émissions de gaz à effets de serre sur les scopes 1 et 2 du protocole de Kyoto attestée par un prestataire indépendant d’ici 2024 à 2026.
Des contextes, cultures et périmètres différents
Tenue par son strict rôle de régulateur et confrontée à des oppositions politiques et économiques, la SEC réfute toute portée écologique à son projet… Mais elle revendique sa légitimité à intervenir sur un risque susceptible d’impacter des secteurs et marchés entiers mettant en avant son cœur de mandat qui consiste à éclairer, informer et protéger les investisseurs. C’est pourquoi elle prévoit d’exiger des entreprises, au-delà de la mesure des scopes 1 et 2, un rapport portant sur la supervision et l’analyse stratégique du risque climatique à court, moyen et long terme sur le business model et les résultats financiers.
L’Union Européenne agit pour sa part en puissance régionale, avec des objectifs assumés de prise de leadership face aux enjeux de décarbonation et de transitions énergies-climat. La refonte de sa directive de reporting extra-financiers va donc notamment massifier l’assiette des sociétés assujetties. Avec les critères retenus (dépassement de deux seuils sur trois : 20 M€ de bilan / 40M€ de CA / plus de 250 salariés) la CSRD s’imposera à quelques 50 000 entreprises. Elles n’étaient que 11 000 concernées par la mouture précédente. En parallèle, un acte délégué complémentaire fera obligation aux conseils en investissements et en assurances de prendre en considération les risques d’impacts en matière de durabilité dans la conception de leurs produits et leurs pratiques commerciales.
Mais des objectifs convergents…
Certaines analyses résument la situation ainsi établie aux seuls prémices d’une « bataille des normes ». D’évidence, il ne faut pas pêcher par naïveté et il semble dans l’ordre des choses que tout acteur majeur cherche à préserver ses intérêts et à peser sur la structure et le calendrier de cadres normatifs qui seront tôt ou tard appelés à être renégociés et globalisés.
Néanmoins, les démarches simultanées de la SEC et de l’UE nous semblent d’ores et déjà présenter des similarités et un socle commun :
1. La volonté, justement, d’imposer de la consistance, de la cohérence et une comparativité dans les données rapportées… bref, d’aller vers une standardisation ;
2. Sur cette base, l’objectif de rassurer les marchés en sécurisant et fléchant les investissements pour s’assurer des flux de capitaux nécessaires aux transformations ;
3. L’appui sur des protocoles internationaux de référence, existants ou à bâtir : Kyoto pour la SEC, l’engagement de l’UE à « une coopérer de façon constructive avec les principales initiatives internationales et de s’aligner autant que possible dessus, tout en tenant compte de spécificités européennes » ;
4. le fait, enfin, de miser sur un puissant effet « ruissellement » sur des acteurs économiques de toutes tailles par l’effet mécanique d’acculturation et d’adaptations des chaînes de valeur aux exigences accrues des plus importants donneurs d’ordres.
Comptabilité en triple capital et double matérialité
Une hybridation des normes et critères d’appréciation des performances des sociétés va donc s’imposer rapidement sur les deux principaux marchés mondiaux. La comptabilité, qui sert à compter mais aussi à « rendre des comptes », ne peut plus s’en tenir à des référentiels hérités de la Révolution industrielle quand les modèles socio-économiques entrent en profonde mutation. Faisant l’objet de recherches méthodologiques depuis une trentaine d’années, la comptabilité en triple capital (financière / environnementale et sociale) vise à refléter une « double matérialité » en équilibrant les poids respectifs des reporting financier et extra-financier.
« N’attendez plus, tout retard se traduira par une défaite pour tous » nous souffle Michel Frédeau, Directeur général du Boston Consulting Group. D’autant que la conversion à cette approche par « double matérialité » est loin de constituer une marche infranchissable.
Chez Vetted.fr, la simplicité et l’efficacité dans l’accompagnement des transformations constituent notre ADN. Nous adhérons à l’esprit de la définition de bon sens qui en a été proposée en 2020 par le site RSE Reporting : « elle revient (simplement) à étudier les impacts de l’environnement sur l’entreprise et de l’entreprise sur son environnement ».
Olivier ABULI, consultant conseil et analyses